La culture a-t-elle un impact sur l'efficacité du coaching ?
- Antoine Bebe

- 11 févr.
- 9 min de lecture
Dernière mise à jour : 7 avr.

Alors que je repense à 2024, je me considère chanceux d'avoir coaché des leaders et des managers d'Allemagne, d'Arabie Saoudite, d'Australie, de Belgique, du Brésil, du Canada, des États-Unis, de Finlande, de France, de Géorgie, du Guatemala, de Hongrie, d'Inde, d'Israël, de Lituanie, de Nouvelle-Zélande, des Pays-Bas, du Pérou, de Pologne, du Portugal, et du Royaume-Uni.
Chaque personne est unique et, en même temps, il existe des spécificités propres à chaque culture. Je me pose souvent les questions suivantes : L'efficacité du coaching des managers dépend-elle de la culture de l'entreprise, et comment mes propres préjugés culturels peuvent-ils aider ou entraver le processus de coaching ?
La réponse à la première question est un oui sans équivoque. Le pouvoir de la culture, tant organisationnelle que nationale, joue un rôle central dans l'élaboration de la dynamique et des résultats du coaching. Cependant, les raisons sont plus complexes que la simple reconnaissance des différences culturelles. Qu'il s'agisse de la manière dont le feedback est donné, de la manière dont la confiance est instaurée, de la manière dont les décisions sont prises ou du style de leadership privilégié, une meilleure compréhension de l'influence de la culture peut améliorer la réussite du coaching des managers et dirigeants.
L'importance du contexte culturel pour le coaching
La culture est un système de forces invisibles qui façonne la manière dont les individus et les organisations perçoivent, ressentent, pensent et se comportent. Elle détermine la manière dont les dirigeants communiquent, résolvent les conflits et instaurent la confiance. Il n'est donc pas surprenant que la culture d'une organisation, ainsi que la culture nationale au sens large, puissent influencer de manière significative les résultats et l'efficacité du coaching.
1. La culture organisationnelle comme écosystème interne
Chaque organisation possède une culture unique. Ses principales dimensions sont un ensemble partagé de visions, de valeurs, de stratégies, de comportements et de normes. La culture se traduit par les domaines d'attention prioritaires, la gouvernance, le leadership, les méthodes de travail et, plus généralement, la manière dont les personnes interagissent les unes avec les autres, avec les clients et avec toutes les parties prenantes. La culture constitue l'environnement dans lequel se déroule le coaching professionnel. Elle détermine souvent la réceptivité des dirigeants vis-à-vis des interventions de coaching et ce qu'ils en attendent.
Par exemple, dans les organisations ayant une culture hiérarchique, les dirigeants peuvent s'attendre à une approche de coaching plus directive, axée sur le renforcement de l'autorité et du contrôle. Ils peuvent également considérer le coach comme un expert, une figure d'autorité, et rechercher son point de vue d'expert, ses solutions et ses conseils.
Notons toutefois que cette dynamique a plus à voir avec le conseil ou le mentorat. Elle diffère de la dynamique « classique » du coaching, qui tire sa force du fait de guider la personne coachée par le biais de questions, afin que celle-ci parvienne à trouver les meilleures réponses pour elle-même et pour son environnement. On peut même dire que les deux dynamiques, le coaching et l'expertise, bien que complémentaires, obéissent à des dynamiques opposées.
En revanche, les entreprises dont la culture est axée sur la collaboration et le travail d'équipe préféreront un style de coaching moins directif, qui met l'accent sur l'intelligence émotionnelle, le travail d'équipe et la transparence. La dynamique du coaching vise alors à accroître le niveau d'autonomie du coaché et sa capacité à favoriser une dynamique de groupe créative. Parallèlement, la dynamique entre le coach et le coaché soutiendra non seulement le développement du leadership du coaché, mais l'incitera également à responsabiliser ses équipes.
Lorsque l'approche du coach est en phase avec la culture de l'organisation, le coaching devient une extension naturelle du parcours de développement du dirigeant. Toutefois, en cas d'inadéquation, les efforts de coaching peuvent se heurter à une résistance ou à un désengagement.
Un mauvais alignement peut également mettre la personne coachée en danger dans son propre système. Imaginez un manager qui réussit à faire passer son style de leadership de hiérarchique à « manager coach “ dans une entreprise où la plupart des top managers valorisent un style de leadership ” commander et contrôler ». Plus la personne coachée réussit et obtient des résultats à sa manière, plus elle risque de devenir une menace pour son patron ou ses pairs, ce qui, à son tour, peut compromettre son avenir dans l'organisation.
Il est donc essentiel de comprendre la culture organisationnelle pour garantir la pertinence, la résonance et l'efficacité du processus de coaching.
2. La culture nationale : Implications plus larges pour le développement du leadership
Au-delà des normes organisationnelles, l'influence de la culture nationale ou sociétale est tout aussi importante. La théorie fondatrice des dimensions culturelles de Geert Hofstede a été la première à fournir un cadre permettant de comprendre comment les différentes cultures donnent la priorité à des dimensions telles que la distance hiérarchique, l'individualisme par rapport au collectivisme ou l'évitement de l'incertitude, qui toutes influencent les styles de leadership. Depuis, de nombreux chercheurs ont apporté leur contribution à ce domaine. Les travaux d'Erin Meyer ont notamment permis de mieux comprendre des dimensions telles que la manière d'instaurer la confiance, le niveau de confrontation, le caractère direct ou indirect du feed-back, ou encore l'accent mis sur la mission par rapport aux relations.
Les dirigeants issus de cultures où la distance hiérarchique est élevée, comme c'est souvent le cas en Asie ou en Amérique latine, ont tendance à attendre des instructions claires et le respect de l'autorité. Un coach issu d'une culture similaire comprendra intuitivement cette dynamique et pourra s'orienter vers un style de coaching plus structuré et descendant. En revanche, les dirigeants issus de cultures où la distance hiérarchique est faible, comme en Scandinavie ou aux États-Unis, peuvent préférer un style de coaching plus collaboratif, qui met l'accent sur l'autonomie et la responsabilité individuelle.
Les attitudes à l'égard du feedback peuvent également varier considérablement d'une culture à l'autre. Dans les cultures à contexte élevé, le feedback direct sera évité pour maintenir l'harmonie et le respect, alors que dans les cultures à contexte faible, les dirigeants s'attendront à des discussions franches et ouvertes.
Un coach familier de ces préférences culturelles peut gérer plus efficacement les conversations délicates et favoriser une connexion plus profonde avec la personne coachée.
Les mécanismes de défense et les stratégies de sabotage sont également influencés par la culture. Comme le dit Paul Watzlawick, le célèbre chercheur du Mental Research Institute de Palo Alto, dans son livre Principles of Problem Formation and Problem Resolution, « la persistance et le changement doivent être considérés ensemble, en dépit de leur nature apparemment opposée ».
Il n'est pas rare que les personnes coachées aient une relation paradoxale avec le changement. Ils peuvent vouloir changer sans se changer eux-mêmes. À cette fin, ils peuvent développer - généralement sans le vouloir et souvent inconsciemment - des stratégies sophistiquées pour contrecarrer la dynamique du coaching.
Il existe de nombreuses façons de saboter le processus de coaching. En fonction de la culture, certaines sont plus courantes que d'autres.
Par exemple, dans les cultures qui combinent une distance hiérarchique élevée et un accent mis sur l'honneur, le dirigeant doit paraître fort, bien informé et sage à tout moment. Pendant les séances de coaching, il peut vouloir prouver au coach qu'il est un grand leader et transformer toute question de coaching portant sur ses défis en une occasion de se vanter de ses actions. Cette stratégie de sabotage est d'autant plus probable que le coach a été présélectionné par le département des ressources humaines de l'entreprise. La personne coachée peut alors considérer le coach, non seulement comme un expert, mais aussi comme un membre des cercles de pouvoir de l'entreprise.
Dans les cultures où la distance hiérarchique est faible et où le gain personnel est valorisé, la personne coachée risque d'avancer rapidement dans le processus de coaching, de trouver des solutions excellentes à ses problèmes, mais de refuser systématiquement d'aborder les problèmes plus profonds ou les impacts systémiques.
Bien que les stratégies de sabotage ne se produisent pas nécessairement et ne soient pas nécessairement liées à la culture, le développement d'une conscience culturelle affinée aidera certainement le coach à anticiper et à désamorcer de telles stratégies.
Les puissants avantages du coaching interculturel
S'il est essentiel de comprendre les différences culturelles, il existe un autre aspect de l'équation : l'impact de la présence d'un entraîneur d'une autre culture. À première vue, le recours à un coach d'une autre culture peut sembler un obstacle, mais en réalité, cela peut offrir des avantages considérables. Voici comment :
1. Élargir les perspectives et remettre en question les schémas de pensée
Toute culture d'entreprise ou nationale aura tendance à promouvoir les personnes qui incarnent le mieux ce qui est le plus valorisé dans cette culture. Ce processus aboutit souvent à des dirigeants qui sur-expriment le style de leadership valorisé dans leur culture. Dans le même temps, il inhibe fréquemment le développement d'autres talents et peut même conduire à des angles morts. Les dirigeants qui ont passé des a
nnées dans un contexte culturel - qu'il soit national ou organisationnel - peuvent tomber dans le piège de penser que leur façon de faire est la seule possible.
L'un des plus grands avantages du coaching interculturel est qu'il permet d'élargir la perspective de la personne coachée. Un coach issu d'un milieu culturel différent peut l'aider à considérer ses défis, son style de leadership et sa dynamique organisationnelle sous un nouvel angle. Le coach l'aidera à comprendre comment ses normes culturelles influencent son comportement, son style de leadership et sa prise de décision.
Ce changement de perspective, qui est au cœur de la plupart des processus de coaching, permet de stimuler l'autoréflexion et d'aider les dirigeants à identifier des hypothèses ou des biais qu'ils ou elles n'avaient peut-être jamais remis en question auparavant. En introduisant des perspectives différentes, un coach interculturel encourage le développement et la flexibilité. Il aide finalement les dirigeants à devenir plus adaptables dans leur prise de décision et leurs approches en matière de leadership.
Par exemple, un coaché issu d'une culture plus autoritaire et descendante pourrait tirer profit d'une réflexion sur la manière de diriger dans un style plus « en retrait », plus catalyseur. De même, un dirigeant habitué à un processus décisionnel individualiste pourrait avoir intérêt à réfléchir à la manière de favoriser la collaboration et le partage des décisions en travaillant avec un coach issu d'une culture plus collégiale.
Cette exposition à différents paradigmes de leadership permet au coaché de devenir un leader plus flexible et plus équilibré, capable d'adapter son style en fonction des enjeux, des besoins de l'équipe ou du contexte.
Le pouvoir du coaching multiculturel
Arrêtons-nous sur un point technique. Tout outil ou processus de coaching repose sur un ensemble d'hypothèses, de schémas de pensée et de valeurs. Lors d'un coaching interculturel, je veille à utiliser des processus transférables et adaptables à la culture de la personne à coacher. Lorsque cela est pertinent et productif, je donne également à la personne coachée un bref aperçu de la genèse des outils, des théories ou des processus que j'utilise. Je mets en évidence les hypothèses sous-jacentes, puis je travaille avec la personne coachée pour identifier ses propres convictions avant d'examiner comment transférer et adapter le processus exogène à sa culture et à son environnement.
De cette manière, la personne bénéficiera d'un double processus de coaching. Par exemple, dans le cadre d'un coaching au niveau de l'identité du leadership, une question qui exige une réponse commençant par « Je veux être... » pourrait ne pas fonctionner dans une culture collectiviste. Elle pourrait facilement être remplacée par « Imaginez que vous êtes le porte-parole de votre équipe de direction, qui voulez-vous être en tant qu'équipe de direction ». La réponse pourrait commencer par « Nous voulons être... ». Faire travailler la personne coachée avec deux ou plusieurs variantes culturelles du même processus est un excellent moyen d'enrichir le parcours de coaching et d'amener la personne coachée à s'ouvrir à une compréhension plus large et plus riche.
Le coaching interculturel: Maîtriser l'art de l'adaptabilité culturelle
Pour optimiser les bénéfices du coaching interculturel, il est essentiel que le coach soit capable de s'adapter à la culture du coaché. Un coach compétent sur le plan culturel est capable de naviguer dans les complexités des différences culturelles, d'ajuster son approche en fonction des besoins et de créer une expérience de coaching qui résonne profondément avec la personne coachée.
L'adaptabilité culturelle ne consiste pas seulement à comprendre les différences, mais aussi à reconnaître comment ses propres références culturelles peuvent influencer le processus de coaching. Les coachs efficaces examinent continuellement leurs propres convictions et veillent à ce que leurs méthodes soient suffisamment souples pour répondre aux besoins uniques de chaque personne coachée, quel que soit le contexte culturel.
Libérer le potentiel de développement des dirigeants grâce au coaching interculturel
En résumé, l'efficacité du coaching des dirigeants et des managers est fortement influencée par les cultures organisationnelles et nationales. Lorsque le processus de coaching s'aligne sur ces contextes culturels, il peut conduire à de profondes transformations du leadership. Cependant, le véritable pouvoir de l'interculturalité du coaching réside dans la possibilité de remettre en question les postulats, d'élargir les perspectives et de développer un éventail plus large de compétences en matière de leadership.
Pour la personne coachée, travailler avec un coach d'une autre culture offre la possibilité d'évoluer au-delà des compétences techniques, et de développer la conscience de soi, l'intelligence culturelle et la capacité d'adaptation.
En outre, dans un monde des affaires globalisé, le coaching interculturel devient un outil essentiel pour développer la prochaine génération de dirigeants. En fin de compte, les missions de coaching les plus réussies pour les dirigeants dont les organisations sont confrontées à des marchés et des défis mondiaux sont celles qui reconnaissent l'influence de la culture et l'utilisent pour développer des dirigeants plus adaptables et plus ouverts sur le monde.
La prochaine fois que vous vous lancerez dans un parcours de coaching, posez-vous la question de savoir si le coaching interculturel pourrait être la clé qui permettra de libérer tout votre potentiel.







Commentaires